Entre les deux tours de la présidentielle, les deux finalistes jettent leurs dernières forces dans un débat télévisé très suivi par les téléspectateurs. C’est une tradition respectée depuis près de cinquante ans.
En 2017, Marine Le Pen avait raté son premier grand débat avec Emmanuel Macron parce qu’elle avait été trop agressive et imprécise sur les dossiers. Elle l’avait elle-même admis en expliquant qu’elle avait été épuisée après une trop longue campagne électorale. Sa performance désastreuse l’avait fait chuter de quelques points dans les sondages.
Hier, Macron et Marine Le Pen se sont affrontés de nouveau, et le débat a été plus apaisé. Le Pen a gardé son calme et c’est le président qui est apparu offensif. Le Pen semble avoir gagné sur la forme, mais sur le fond le président a été plus solide.
Les deux candidats ont exposé de nettes différences par exemple sur la Russie, le climat et les foulards dans l’espace public :
Sur la Russie :
Emmanuel Macron a attaqué frontalement son adversaire sur le prêt contracté auprès d’une banque russe réputée proche du Kremlin. “Vous ne parlez pas à d’autres dirigeants, vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie. C’est pour ça que, dès qu’il y a des positions difficiles et courageuses à prendre, ni vous ni vos représentants ne sont là,” a dit le président.
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…Parce que vous dépendez du pouvoir russe, et que vous dépendez de Monsieur Poutine, parce que quelques mois après avoir dit cela, Madame Le Pen , vous avez contracté un prêt, en 2015, auprès d’une banque russe, la First Czech-Russian Bank, proche du pouvoir en septembre 2014 , puis vous avez ensuite reboutiqué ce prêt auprès d’autres acteurs, tout ça est totalement transparent, connu, notifié, notarié, qui sont impliqués d’ailleurs ensuite dans la guerre en Syrie et donc vous ne parlez pas à d’autres dirigeants, vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie. C’est ça le problème, Madame Le Pen, et c’est aussi ce qui fait, que on le voit bien, dès qu’il y a des positions et courageuses et difficiles à prendre, ni vous ni vos représentants ne sont là, ni vous ni vos représentants, et ça n’est pas un hasard si il y a 5 ans, la Russie était intervenue dans la campagne, ce qui a été prouvé pour me déstabiliser, et si vous avez toujours été ambiguë sur le sujet , parce que vous n’êtes pas dans une situation de puissance à puissance, que vous ne pouvez pas défendre correctement sur ce sujet les intérêts de la France, parce que vos intérêts sont liés à des gens proches du pouvoir russe.
Sur le climat :
Macron a lancé à Marine Le Pen : Vous êtes climatosceptique” et “votre programme n’a ni queue ni tête.”
“Je ne suis pas climatosceptique, en aucun cas, mais vous, vous êtes un peu climato-hypocrite”, a répliqué la candidate du Rassemblement national.
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Je ne suis pas climatosceptique
Je ne suis absolument pas climatosceptique, en aucun cas, mais vous vous êtes un peu climato-hypocrite, d’ailleurs c’est peut-être pour ça que les gens ne croient pas à votre volonté de régler tous ces problèmes là et je vais vous dire pourquoi ils ont raison, d’ailleurs, c’est que vous êtes en même temps le pire de l’écologie punitive, vous avez accompagné des choses qui sont d’une grande violence pour les classes moyennes, pour les classes modestes de nos compatriotes , toutes les décisions qui ont été prises, qui consistent à expliquer aux gens qu’ils sont coupables parce qu’ils s’achètent pas une voiture électrique, même s’ils n’ont pas les moyens de le faire parce que le reste à charge – Macron : mais bien sûr, c’est pour ça que je propose de les aider- le reste est extrêmement important, toutes les mesures que vous voulez prendre en leur disant vous n’aurez plus le droit de réparer votre chaudière à fioul, vous n’aurez plus le droit de la changer, alors qu’ils n’ont pas les moyens, évidemment , même avec l’aide de l’état de faire autrement, les zones à faible émissions , c’est-à-dire l’interdiction qui va être faite, et qui est déjà faite d’ailleurs en partie aux gens qui ont des voitures anciennes, de pouvoir aller dans les grandes villes, y compris d’ailleurs s’il y a un hôpital dans cette grande ville où ils doivent se rendre, ils ne pourront plus s’y rendre . Tout ça, cette écologie punitive, elle est inutile, elle crée encore une fois des souffrances, elle aggrave des situations qui sont des situations de fragilité d’ores et déjà, parce que ça tombe toujours sur les mêmes, c’est toujours ceux qui ont pas les moyens, vous le savez bien . Ceux qui ont les moyens n’ont pas ce genre de problèmes.
Sur le voile :
Marine Le Pen veut interdire le port du voile dans l’espace public qualifiant ce vêtement “d’uniforme imposé par les islamistes”.
Le président candidat a estimé qu’une telle interdiction diviserait la société : “Vous allez créer la guerre civile si vous faites ça. ” “C’est grave, parce que ce que vous dites est que les gens refuseraient d’appliquer la loi”, a répondu la candidate du RN.
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D’abord je vous ai écouté, vous faites avec beaucoup de clarté une démonstration, mais ce qui est inquiétant dans votre démonstration, c’est le chemin qu’elle emprunte. D’une question sur le voile, vous êtes passée au terrorisme pour revenir à l’islamisme et pour aller aux étrangers et vous créez un système d’équivalence par votre cheminement qui confond tous les problèmes, et qui les entretient.
La question du voile, c’est la question d’une religion, d’un signe extérieur religieux , c’est ça, la question du foulard plus exactement , d’ailleurs, moi je suis pour la loi de 1905 , c’est notre république, la république est laïque, la laïcité ce n’est pas combattre une religion et donc avec moi, il n’y aura pas d’interdictions ni du foulard , ni de la kippa, ni de quelque signe religieux dans l’espace public parce que le principe d’égalité fait que si vous rentrez dans cette logique, Madame Le Pen, vous interdirez tous les signes religieux dans l’espace public et pas simplement le foulard.
Vous n’avez pas lu ma loi.
Non mais j’ai lu la constitution française, vous m’excuserez de cela, et les lois que vous prendrez, même si vous étiez élue – ce que je ne souhaite pas évidemment- elles devront respecter une constitution, bon, et donc notre constitution, nos textes fondamentaux, c’est cela, c’est la laïcité, la laïcité, c’est un principe de liberté, et donc à l’école, il n’y a pas de voile, parce qu’on forme des consciences, il y a aucun signe religieux d’ailleurs, c’est pas que le foulard. Tous les signes religieux sont proscrits puisqu’on forme des consciences, des citoyens en devenir. Dans les services publics, il y a une neutralité des services publics, elle est absolue, par contre dans la cité, vous allez créer la guerre civile, si vous faites ça, je vous le dis en toute sincérité, parce que ça veut dire que vous vous attaquez de … C’est grave ce que vous dites là… C’est très grave parce que ce que vous proposez », « c’est grave parce que ce que vous dites c’est qu’en réalité, les gens n’accepteraient pas de se soumettre à la loi…
Madame Le Pen, ce que vous dites est très grave… je vous le dis… » « Non c’est vous qui … vous êtes en train de dire… » « Vous considérez par anticipation qu’il y a un certain nombre de personnes qui refuseraient d’appliquer la loi. »
« Madame Le Pen, je suis en train de vous dire que la France, patrie des Lumières, de l’universel serait le premier pays au monde à interdire les signes religieux dans l’espace public, le premier pays au monde, c’est ça ce que vous proposez, ça n’a aucun sens, ce n’est pas le respect de nos valeurs, ce sera même infaisable, combien de policiers … »
« Nous avons été le premier pays au monde à mettre en place beaucoup de lois, vous savez, Monsieur Macron… « Oui, de liberté, de tolérance »
Le débat télévisé n’a jamais fait basculer une élection.